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Mai 25

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Arguments pour la dernière ligne droite

(La pente est-elle si forte que cela ?)

Nous sommes à quinze jours du scrutin. Au sein du Front de Gauche, nous menons une campagne active et efficace (distribution de tracts, affiches, meetings et réunions débat) auprès de la population, mais aussi de plus en plus avec elle. Le Front de Gauche a donc réussi à se rendre visible. Il commence à devenir audible malgré le mur du silence infligé par les médias.

Dans la grande région Sud-ouest, le Front de Gauche est crédité de 7% des suffrages à égalité avec le NPA. Cette inversion progressive (le NPA devançait largement le Front de gauche au début de la campagne) constitue à elle seule un évènement encourageant.

Bien sûr notre démarche politique unitaire, notre programme et notre positionnement à long terme sont nos meilleurs atouts, par contre l’analyse du sondage IFOP du 13 mai montre à l’évidence qu’il nous faut impérativement nous adresser aux jeunes: 19% des électeurs de 18 à 24 ans déclarent avoir l’intention de voter NPA, 20% de cette frange de la population voteraient Modem, alors que seulement 1% voterait pour le Front de Gauche.

Le PS est en chute libre (23% des intentions de vote au lieu de 31% il y a 5 ans). La population ne croit donc guère que le PS puisse vraiment contribuer à changer l’Europe et encore moins d’Europe. Dans notre région le Front de Gauche capte 26% du non de gauche au référendum contre 13% pour le NPA: il nous faut donc encore gagner des électeurs socialistes, nous avons les arguments pour cela.

Malgré ses prises de guerre (trop faciles certes) au centre et dans le camp socialiste l’UMP atteint péniblement 27% des intentions de vote à l’échelle nationale (23,5% dans notre région), prouvant par là même que la politique de Nicolas Sarkozy n’est plus soutenue que par un quart de la population (et dans le Sud-ouest par 38% des plus de 65 ans).

Il nous reste donc quinze jours pour convaincre que le Front de Gauche s’inscrit résolument dans une dynamique porteuse d’avenir, c’est-à-dire dans la construction d’une unité populaire appelée de tous ses vœux par le peuple de gauche, et convaincre que l’élection de députés européens Front de Gauche sera utile à cette construction qui doit, dans cette fin de campagne, être notre seule boussole politique.

Il nous faut donc gagner sur l’abstention en développant sans relâche des arguments qui vont bien au-delà des simples formules creuses que l’ensemble des partis affichent.

« Changeons l’Europe » ou « changeons d’Europe », est-on bien certain que cette subtile différence soit perçue comme un argument décisif?

« Changeons l’Europe, une autre Europe est possible! » entonnait d’ailleurs dernièrement à Nîmes Nicolas Sarkozy, conseillé en cela par ses experts en communication qui utilisent jusqu’à plus soif la méthode de triangulation consistant à porter le débat sur le terrain de l’adversaire pour le polluer. Mais la population se lasse vite de ces stratagèmes et apprend à en déjouer les ficelles. Les citoyens sont adultes, ils veulent se déterminer sur des projets et non sur de simples slogans démagogiques comme: « Pas question de payer leur crise » (NPA), « Changer l’Europe maintenant » (PS), « Quand l’Europe veut, l’Europe peut » (UMP), « Nous l’Europe »(MODEM).

Alors nos arguments doivent être politiques et nous ne devons pas perdre de vue que le sens d’un vote n’est jamais préétabli à l’avance, et qu’il se construit aussi avec les citoyens tout au long de la campagne.

Alors pourquoi voter Front de Gauche? Comment créer une dynamique autour d’un vote politique, d’un vote pour un autre projet de société, d’un vote de dignité et de révolte, d’un vote pour la paix, d’un vote utile et unitaire?

Un vote de dignité

55% des français ont voté non en 2005 lors du référendum sur la Constitution Européenne. Ce vote populaire avait largement dénoncé le caractère ultra libéral de cette Constitution. Le Traité de Lisbonne qui n’est pas un traité simplifié reprend la même orientation :

  • la primauté de la concurrence est réaffirmée;

  • les pleins pouvoirs monétaires appartiennent toujours à la BCE;

  • les services publics sont menacés: entre autres, poste, énergie et transports sont livrés à la concurrence et au marché (SIEG);

  • la libre circulation des capitaux est toujours le dogme intouchable, ainsi que le libre échange, ni régulé, ni négocié (le marché transatlantique s’avance à grands pas);

  • l’Europe forteresse remet en cause notre longue tradition d’accueil;

  • l’alignement sur l’OTAN rompt de manière autoritaire avec un consensus qui dépassait le clivage des partis;

  • la commission est globalement toujours souveraine.

 

Le Traité de Lisbonne cherche lui aussi à pérenniser les règles d’un système qui produit les inégalités, détruit la fraternité, met au poste de commande l’intérêt privé et non le développement de l’intérêt commun, de l’intérêt général. La ratification du Traité de Lisbonne constituerait un déni de démocratie.

Il s’agit bien par ce vote de dignité Front de Gauche de rompre avec les orientations actuelles et de mettre devant leurs responsabilités les représentants du peuple qui votent contre l’avis et l’intérêt de ceux qui les ont élus. Ségolène Royal avait promis un nouveau référendum sur le Traité de Lisbonne, mais les représentants socialistes n’ont pas empêché son approbation par le Congrès alors qu’ils en avaient la possibilité. De la même manière faire croire que le Traité de Lisbonne défend les services publics est un pur mensonge. Il les ouvre à la privatisation et à la concurrence.

Un vote politique

Les aspects les plus criants de la crise actuelle sont économiques, sociaux et environnementaux. Mais la crise est avant tout politique.

La nature de cette crise n’est pas nouvelle. Depuis le début du XXème siècle la domination du capital financier a généré de nombreuses catastrophes : crises économiques, guerres mondiales, régionales et internationales.

Des capitaux toujours plus importants se concentrent en quelques mains. Cette tendance du capitalisme conduit à l’hégémonie des rentiers et d’oligarchies financières qui n’hésitent devant rien pour s’accaparer le pouvoir politique et frapper toutes les sociétés d’un lourd tribut à leur seul profit.

Une autre tendance du capitalisme est de séparer la propriété du capital de son application à la production, le capital argent du capital industriel ou productif. Le rapport entre la sphère productive et la sphère financière était de 1 à 5 au début du XXème siècle, il est de 1 à 50 aujourd’hui. La production est asservie au profit immédiat, elle dépend entièrement de la finance.

Née du capitalisme dans les conditions générales de la production marchande et de la concurrence, la concentration du capital dans les mains de quelques-uns est en contradiction permanente et sans issue avec ces conditions générales d’origine. Le dogme de la concurrence libre et non faussée est donc aujourd’hui une supercherie qui n’a pour objectif que d’étendre la sphère marchande aux services publics financés actuellement sur fonds publics.

La concurrence et la concentration financière sont à l’origine d’une logique qu’il faut encore appelée aujourd’hui impérialiste. Les guerres de spoliation, de domination notamment pour la maîtrise des matières premières n’ont pas faiblies depuis le début du XXème siècle.

La pourriture du système conduit à une spéculation effrénée, notamment par la création de bulles spéculatives chargées de compenser, pour les seuls initiés et pendant un court moment, la tendance à la baisse du taux moyen de profit. Ces bulles explosent et conduisent à la faillite de larges fractions de capital. Les risques se déplacent des « subprimes » vers celui des crédits immobiliers, puis vers les crédits solvables et d’autres segments des marchés financiers. C’est la récession.

La crise n’est donc pas uniquement financière, c’est une crise de la production, c’est une crise de la demande déclenchée par une politique de l’offre vantée par Nicolas Sarkozy et le gouvernement UMP, soumise au profit maximal et immédiat, déconnectée des besoins réels par le refus de toute intervention publique et aggravée par une paupérisation croissante.

Le paradoxe de la crise économique actuelle est évidemment de se trouver confronter à un manque de liquidités dans un océan de capitaux ! L’autre paradoxe scandaleux est que les banques centrales qui se refusaient jusque là à tout interventionnisme interviennent massivement dès que le système est menacé.

La crise aggrave donc les effets permanents du système: exploitation plus forte de la force de travail et de ses conditions, pressions diverses sur les travailleurs, fermetures d’entreprises et délocalisations, chômage et précarisation accrus, paupérisation croissante de couches de plus en plus larges de la population aggravant la récession faute de pouvoir d’achat, hausse des produits de première nécessité dont les produits alimentaires, diminution de la protection sociale, … la liste s’allonge sans cesse.

A cela viennent s’ajouter un accroissement des problèmes financiers des collectivités et un autre paradoxe, celui de transferts Sud-Nord de fonds souverains pour venir en aide aux pays développés au détriment des pays pauvres !

Alors comment ne pas admettre que la crise est d’abord politique !

Tout est mis en œuvre pour maintenir l’ordre social et les rapports de production en France, en Europe et dans le monde. Les appareils d’Etat étendent leurs moyens dans les cadres nationaux traditionnels, mais aussi à l’échelle internationale, et se perfectionnent en s’accaparant les progrès des sciences exactes et humaines.

En France, la droite s’attaque à ce qui reste de nos héritages progressistes, démocratiques et révolutionnaires (mais 1789, 1793, 1848, 1870, 1936, 1945 ne s’effacent pas aussi facilement de notre culture et de notre mémoire collective) .

Elle s’attaque aux droits liberté (la loi Hadopi en constitue le dernier exemple).

Elle s’attaque aux droits créance issus notamment du programme national de la résistance.

Elle s’attaque à la Constitution, au fonctionnement des institutions pour les rendre encore plus anti-démocratiques.

Elle s’attaque à la Nation premier cadre naturel de la citoyenneté et des luttes citoyennes.

Elle s’attaque à notre type de citoyenneté laïque et universelle (dite à la française), pour nous imposer une citoyenneté à l’anglo-saxonne communautariste.

Elle s’attaque au droit du travail, à la justice, à la santé, aux services publics, à l’école, à l’université et à la recherche.

Elle peaufine sans cesse un code civil rédigé pour que les riches puissent impunément voler les pauvres et un code pénal pour réprimer ceux qui s’opposent.

Le fossé se creuse entre les intérêts d’une grande majorité de la population, salariés, retraités, chômeurs, précaires (70% de la population soutient aujourd’hui les grèves, s’opposent au démantèlement des services publics, …) et les oligarchies financières qui s’accaparent tous les pouvoirs (politiques, financiers, économiques, médiatiques) et réfléchissent aux objectifs qu’ils souhaitent atteindre dans des groupes qui se réunissent discrètement à l’écart des réunions officielles.

Comment peut-on croire ou pire, faire croire, qu’il serait possible de changer l’Europe maintenant sans inverser radicalement le cours des choses !

Le G20 et l’Union Européenne n’ont pas mis en place un plan de relance, mais un plan de sauvetage du capitalisme :

  • aucune réponse au déséquilibre entre sphère productive et sphère financière ;

  • aucune réponse au problème des besoins immenses des pays en voie de développement ;

  • aucune réponse au problème de la fluctuation des monnaies, des matières premières et des matières agricoles ;

  • insuffisance de la publication d’une simple liste des paradis fiscaux qui oublient de citer la Chine et certains Etats des Etats-Unis ;

  • sommes colossales versées aux banques sans contrepartie : il n’est pas décidé d’en nationaliser et pour ces dernières c’est du gagnant-gagnant (expression chère à notre président), si le système bancaire repart, les bénéfices leur reviendront, si ce n’est pas le cas ce sont les contribuables qui paieront ;

  • les fonds versés le sont grâce au fonctionnement de la « planche à billets » et par la création de centaines de milliards d’emprunts d’Etat qui se traduiront tôt ou tard par une inflation et une augmentation des impôts.

 

Et que dire du soudain engouement pour la moralisation du capitalisme (à l’UMP comme au PS)?

Il y a bien manipulation à désigner quelques pseudo-responsables de la crise à la vindicte populaire :

  • Jérôme Kerviel, le trader fou de la société Générale, mais le pouvoir n’avait-il pas quelques dissensions avec cette banque ?

  • des organismes prêteurs peu scrupuleux sur la solvabilité de leurs clients, mais alors pourquoi continuer à rendre légaux des taux d’intérêts de plus de 20% ?

  • quelques dirigeants d’entreprise profitant de parachutes dorés et de « golden hello » ;

  • et puis Bernard Madoff, l’homme d’affaires véreux, l’escroc numéro 1, dont le principal défaut consiste à avoir volé ses congénères, car la principale erreur de Madoff est bien de ne pas s’être comporté comme les autres, comme le souligne Michael Moore, car voici comment il aurait du faire : « Tout d’abord, menacez vos ouvriers de délocaliser leurs emplois s’ils ne sont pas d’accord pour réduire leur salaire et les avantages sociaux. Puis déplacez les emplois à l’étranger. Ensuite, placez ce revenu sur les rivages des îles Caïmans et ne payez pas d’impôts. Ne remettez pas d’argent dans votre entreprise. Mettez-le dans votre poche et celles de vos actionnaires. Et voilà ! C’est fait ! Légalement ! »

Alors, toujours en citant Michael Moore « Pourquoi avons-nous permis à ces mêmes banques de créer l’escroquerie des subprimes ? Et au lieu de jeter les responsables dans la prison du Lower Manhattan, où Bernie réside maintenant, pourquoi leur avons-nous donné des sommes énormes prélevées sur notre argent durement gagné pour les renflouer et les sortir du pétrin où ils s’étaient mis eux-mêmes ? …Et qu’en est-il de ceux qui ont produit les fausses évaluations dans les agences de notation, des lobbyistes qui ont rendu légales les pratiques comptables louches, ou le marché boursier lui-même – une institution qui est considérée comme le Saint-Sépulcre et non comme le casino qu’il est en réalité…. Et que dire des clients de Madoff eux-mêmes ? Qu’est-ce qu’ils s’imaginaient quand on leur garantissait d’incroyables retours sur leurs investissements chaque année ?…Et les nombreuses victimes de Madoff qui ont déclaré aux enquêteurs qu’au fil des ans, ils ont réinvesti bien au-delà de la somme qu’ils avaient confié à Bernie à l’origine…Est-ce que ces « victimes » restitueront les gains qui ont été obtenus frauduleusement (comme receleurs) ? »

Force est de constater que les réactions du gouvernement de Nicolas Sarkozy consistent à élargir le libre échange et la libre circulation des capitaux en prenant bien soin de ne pas augmenter les salaires et en poursuivant les réformes politiques : il reste entre autres à déstructurer les collectivités territoriales pour réduire encore les derniers espaces de décision démocratiques qui font partie de notre héritage .

C’est dans ce contexte que les salariés doivent sans cesse négocier les conditions de leur travail et de leurs salaires, protéger leur outil de travail menacé de destruction ou de délocalisation ainsi que le fruit de leur intelligence menacé de vol. Alors, il est temps de réaffirmer que les salariés travaillent gratuitement pendant un certain temps pour les capitalistes et ceux qui consomment leur part de plus-value. Comment peut-on alors ne pas réagir aux propos de Laurence Parisot (et bien d’autres parmi ceux qui prétendent vouloir changer l’Europe immédiatement) qui ose affirmer que les salaires rémunèrent le travail et les profits le capital !

L’augmentation des salaires n’a pas les effets dévastateurs que les capitalistes lui attribuent ; la baisse des salaires et du coût du travail est une doctrine chargée de maintenir simplement le taux de profit dans un monde de concurrence que les salariés n’ont pas choisi. La lutte pour de meilleurs salaires et des conditions de travail améliorées fait tout simplement partie de la lutte de classe.

Certes, la crise économique approfondit la crise sociale. Elle est l’expression de l’anarchie de la production dominée par la logique du profit immédiat et du pillage des ressources sans le moindre souci de planification écologique. Mais cette crise est bien la conséquence d’une organisation politique chargée de favoriser les agissements des oligarchies financières.

Il ne s’agit pas non plus d’affirmer qu’il suffirait de « donner à la lutte économique elle-même un caractère politique », vieille lune dénoncée il y a plus d’un siècle. C’est le point de désaccord essentiel entre le NPA et le Front de Gauche.

Il ne s’agit pas d’exiger seulement une autre répartition des richesses sans profonde transformation des rapports sociaux et politiques ou de croire que la simple intervention de l’Etat suffirait sans toucher à l’organisation existante: on ne construit pas une nouvelle société comme on construit une ligne TGV.

Il s’agit bien plutôt de promouvoir une lutte pour la liberté et un nouveau mode d’organisation sociale et politique (Socialisme ou République sociale ?).

 

Voilà le sens politique du vote Front de gauche en train de se construire.

 

Un vote de colère et de révolte

Le vote Front de Gauche doit s’affirmer comme un vote de révolte : « ça suffit comme ça ! ».

Par le vote Front de Gauche il s’agit de réagir au mépris des gouvernants formés aux techniques de la communication et de manipulation qui restent sourds aux avis, aux revendications et aux luttes. Il s’agit de se révolter contre le cynisme des rentiers et contre les agissements de nombreux chefs d’entreprise qui déploient leur zèle à les servir.

Il s’agit de se révolter parce que l’on s’attaque chaque jour davantage à la liberté d’expression et même à la liberté de penser lorsque les conseillers de Nicolas Sarkozy déterminent les thèmes que les médias aborderont le jour même ou dans les jours à venir, avant de zapper sur d’autres thèmes et d’empêcher toute réflexion approfondie.

Il s’agit de se révolter contre les atteintes portées à tout ce qui pourrait être considéré comme un contre-pouvoir.

Il s’agit bien sûr aussi d’exiger des mesures d’urgence, pour combattre les licenciements, augmenter les salaires, développer l’emploi et amorcer un alter-développement.

 

Un vote pour la paix

Le vote Front de Gauche s’affirme comme un vote pour la paix, contre les guerres dominatrices et d’occupation, les guerres de spoliation et de privation des richesses naturelles, contre la guerre des civilisations, contre l’intégration à part entière dans l’OTAN et la réorganisation de la défense de la France et de l’Europe dans ce cadre.

 

Un vote utile

Voter pour le Front de Gauche c’est élire des députés qui ne collaboreront pas avec le PPE et le PSE, qui s’opposeront au Traité de Lisbonne et à son orientation (contrairement au PS, aux Verts, au Modem et à l’UMP).

 

Un vote pour une autre société

La construction européenne ne soulève pas que des questions institutionnelles et des problèmes d’organisation. Elle porte également sur un projet de société qui se dérobe aux débats contradictoires et au choix populaires car les lieux de discussion ne correspondent plus totalement avec les lieux de la démocratie étatique (constitutions, parlements, partis, isoloirs)

Ce projet de société a été initié en 2000 au moment même où onze pays sur les quinze de l’Union étaient gouvernés au centre-gauche (l’époque de Tony Blair, de Lionel Jospin, de Gerhard Schröder, de Romano Prodi, d’Antonio Guterres). Il s’agit de la stratégie de Lisbonne (tous les chemins libéraux mènent donc à Lisbonne !) qui proposait de réconcilier le social et l’économique.

Dans les faits la stratégie de Lisbonne a établi une coordination intergouvernementale au moyen d’une stimulation concurrentielle directement inspirée du management d’entreprise. Il s’agit d’établir un modèle dans le but de comparer l’écart de performance qui sépare chaque pays de ce modèle (méthode du « benchmarking »). On introduit ainsi la compétitivité entre états et non l’harmonisation!

Comme le souligne Isabelle Bruno, « en systématisant l’emploi du benchmarking , la stratégie de Lisbonne conjugue les volets économique et social sur le même mode : l’impératif de compétitivité. Ce faisant elle désarme les partisans d’une Europe sociale, conçue comme un projet de société qui chercherait sa cohésion non pas dans une course généralisée à la compétitivité, mais dans la réduction des inégalités par l’intégration des systèmes collectifs de solidarité. En revanche, elle équipe les tenants d’une « Europe compétitive » par la réalisation d’un espace européen d’équivalence, dans lequel la commune mesure ne sert pas l’égalité sociale et spatiale mais une mise en compétition des populations et des territoires. Les moyens ne sont pas neutres à l’égard des fins. L’inadéquation du benchmarking en matière sociale –plus rétive au réductionnisme statistique et à la temporalité gestionnaire- a ainsi conduit à une marginalisation des processus dédiés à la santé, aux retraites ou au combat contre la pauvreté ».

La stratégie de Lisbonne interdit donc à l’échelle européenne la coordination des politiques sociales qui demande du temps, alors que l’échéancier de Lisbonne est d’abord déterminé par la cadence des programmes économiques.

Alors disons-le nettement : actuellement la construction de l’Europe est à la fois réactionnaire et est même rendue impossible. On entend même des voix libérales s’élever pour dire que l’on peut même se passer du Traité.

Enfin la stratégie de Lisbonne prétend assigner à l’Union un nouvel objectif stratégique pour la décennie à venir : devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Le vote dans l’urgence de la loi LRU au mois de juillet suivant l’élection de Sarkozy s’inscrit bien dans la stratégie de Lisbonne, mais étudiants, enseignants du supérieur et chercheurs ont montré dans leur lutte à quel point ils n’étaient pas dupes.

 

Alors oui, nous voulons un autre projet de société qui ne soit pas déterminé par la concurrence des personnes, des territoires, des états, qui place l’intérêt général avant les intérêts privés, qui réhabilite la notion de bien commun, qui donne aux êtres humains le choix de définir leurs besoins.

Nous voulons pouvoir rêver et mettre en œuvre une autre organisation de la vie, du travail (que nous voudrions voir devenir le premier besoin vital), de la production, des loisirs et de la culture, d’une intervention publique au profit de l’intérêt général et d’une véritable planification écologique.

C’est dans cette voie que s’engagent résolument les partisans du Front de Gauche.

 

Un vote unitaire pour construire l’unité populaire

L’unité populaire se construit. Elle se construit mieux à plusieurs. C’est ce qui constitue l’objectif premier du Front de Gauche.

L’unité populaire doit se fonder sur l’expérience de la vie politique.

Développer la conscience politique d’une classe sociale toujours plus élargie s’opposant à l’oligarchie financière et à ses soutiens politiques, susciter l’activité politique chez les citoyens n’est possible que par le truchement de partis de militants et non de simples partis de supporters qui s’enflamment pour un nom ou un visage pourvu qu’il soit séduisant ou qu’il raconte une histoire (storytelling) car une telle conception s’inscrit bien dans la logique de la concurrence chère au capitalisme .

Il ne s’agit pas seulement d’être à côté de ceux qui souffrent (les médias excellent dans le compassionnel, ils ne sont pas les seuls), mais bien plutôt d’expliquer et d’organiser. Il nous faut réagir contre tout abus, toute manifestation d’arbitraire, d’oppression et de violence.

Pour combattre la droite qui s’inscrit chaque jour davantage dans son héritage bonapartiste et versaillais, il s’agit pour nous de reprendre possession de notre héritage progressiste et révolutionnaire et d’oser devenir un parti creuset qui enracine son projet dans un passé de luttes dont nous ne devons pas rougir.

Il nous faut donc nous organiser et organiser politiquement avec détermination et professionnalisme, c’est-à-dire en creusant notre ligne politique par des arguments ; à ne pas confondre bien sûr avec la notion de professionnalisme politique qui conduit bon nombre d’élus à cumuler des mandats : un travailler plus (ce n’est pas sûr) pour gagner plus !

 

Alain Descaves.

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