En 2007, avec un plafond d’imposition à 60%, 719 contribuables quittaient la France pour échapper au fisc. En 2008, avec un bouclier fiscal à 50%, ce sont 821 personnes qui choisissaient l’exil. L’argument selon lequel ce bouclier servirait à retenir les grosses fortunes trop imposées ne tient donc pas.
De plus, il faut le rappeler, l’imposition se fait en réalité après toutes les déductions permises par toutes les niches fiscales. Quand on est très riche, on est quasiment un raté si on paye encore des impôts, vu tous les moyens qui ont été mis en place pour y échapper.
Il faut donc le dire: non seulement ce bouclier fiscal ne sert qu’à rapporter plus d’argent de poche aux grosses fortunes, mais en plus il ne servira jamais à retenir les salauds (j’ai cherché un autre mot, je n’ai pas trouvé) qui fuiront toujours vers un pays où ils paieront moins. Quand Sarkozy aura décidé de faire payer deux euros aux plus riches, ils s’exileront vers un pays où ils n’en paieront qu’un.
Or, l’impôt, c’est la base de la solidarité nationale. Sans impôt, pas de services publics. Depuis les années 50, la richesse de la France a considérablement augmenté. Comment se fait-il alors qu’on soit obligés maintenant de liquider les services publics qu’on a réussi à mettre en place dans la période difficile de l’après-guerre?
La réponse est simple: depuis les années 80, l’idéologie dominante ultralibérale a fait admettre par les citoyens un principe, celui de la baisse des impôts, notamment pour les plus riches qui étaient victimes d’un « impôt confiscatoire ». Du coup, la richesse produite par des travailleurs de plus en plus souvent payés au salaire minimum a été accaparée par les plus riches, grâce à de bons placements, grâce à la spéculation, grâce aux niches fiscales (nous en sommes d’après les dernières estimations à 120 milliards d’euros de manque à gagner à cause des niches fiscales) et grâce à un État complice de la fraude (estimée à 60 milliards d’euros) car il supprime du personnel dans les services de contrôle de l’administration fiscale.
Un gouvernement qui agirait réellement pour le bien de citoyens prendrait les décisions suivantes:
– Donner un ultimatum aux exilés: vous revenez ou on vous retire la nationalité française.
– Interdire aux sportifs exilés fiscaux de représenter la France dans les épreuves internationales.
– Insister dans les programmes scolaires sur la solidarité nationale et les services publics.
Et surtout:
– Revoir une à une toutes les niches fiscales et en supprimer la plus grande partie afin de récupérer quelques milliards.
– Créer des postes de contrôleurs dans les services fiscaux et faire passer le message que dorénavant tout le monde (personnes physiques comme personnes morales) sera contrôlé tous les trois ans au maximum: ce sont des dizaines de milliards qui réapparaîtront comme par enchantement.
Mais nos gouvernements successifs, qui tous ont soutenu ou soutiennent l’utralibéralisme européen faisant la part belle au moins disant fiscal et ne cherchant pas vraiment à lutter contre les paradis fiscaux, ces gouvernements veulent-ils réellement le bien du plus grand nombre? Ou agissent-ils en fait pour une minorité de nantis que l’idée de solidarité nationale révulse?
Stéphane ARLEN