Sur le blog de Martine Billard, Secrétaire nationale à l’écologie du Parti de Gauche
Mercredi, 7 octobre 2015, 10:53
Tous ces traités ont en commun d’être négociés dans l’opacité la plus totale et bien évidemment dans le dos des peuples. Des bribes sortent parfois à la lumière notamment grâce à Wikileaks.
Pour le TAFTA, les parlementaires européens peuvent le consulter dans une salle fermée et sans droit d’utiliser ni téléphone, ni papier, ni stylo, ni procédé d’enregistrement … En bref ils n’ont droit qu’à leur mémoire. Quant au gouvernement français s’il veut le consulter, c’est à l’ambassade des États-Unis.
Et après on nous dira qu’il n’y a pas de problème de démocratie ? De souveraineté nationale lorsqu’on doit aller consulter les documents à l’ambassade d’un pays étranger et concurrent ? Que ce n’est qu’un problème de multinationales ? Donc elles ont leur siège dans les ambassades US ? Ce n’est pas un hasard si les USA sont à la manœuvre dans 3 de ces traités. Ils essaient ainsi d’imposer leur mode de vie et leurs faibles normes sanitaires, agricoles, environnementales à toute la planète. Leur insistance à obtenir l’accord TPP n’est pas uniquement une question d’intérêts économiques. C’est aussi la volonté d’empêcher toute alliance de pays refusant l’hégémonie américaine comme l’ALBA ou les BRICS et encore plus précisément de faire obstacle à la Chine en Asie.
Nous avons échappé à l’AMI (accord multilatéral sur l’investissement) négocié secrètement entre 1995 et 1997 mais abandonné en 1998 par suite des mobilisations massives à son encontre. Il nous faut faire de même avec ces nouveaux traités multilatéraux qui ne sont que la resucée par morceaux et en pire de l’AMI.
LE CETA entre le Canada et l’UE
Le vendredi 26 septembre 2014, le gouvernement canadien, le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne ont annoncé la conclusion du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union Européenne. C’est le premier accord commercial dit «de nouvelle génération ».
Il couvre la plupart des aspects de la relation économique bilatérale, notamment les produits et les services, l’investissement et les achats gouvernementaux. Plusieurs de ses dispositions sur le droit d’auteur sont identiques au traité ACTA rejeté par le Parlement européen le 4 juillet 2012 par 478 voix contre, 39 pour, 165 abstentions.
Cet accord contient un mécanisme de protection des investissements (ISDS) qui permet à des entreprises étrangères de poursuivre en justice des États en exigeant une compensation s’ils considèrent que la législation dans les domaines de la santé, de la protection environnementale ou financière met à mal leurs investissements et profits. Les poursuites ne se font pas devant des tribunaux publiques mais devant une justice privée internationale, les tribunaux d’arbitrage, elles se font uniquement à l’initiative des entreprises et peuvent s’effectuer à tous les niveaux institutionnels : UE, états, régions, départements, communes. Lorsque la sentence est rendue, elle est obligatoire et sans appel.
Certes ce n’est pas la première fois que apparaît un tel mécanisme puisqu’il existe déjà dans l’ALENA, l´accord de libre-échange entre le Mexique, les États-Unis et le Canada.
Mais dans le CETA, sous la clause prétendument “juste et équitable” les investisseurs sont en plus protégés pour «leurs attentes légitimes. » En résumé vous ne pourrez pas nationaliser entièrement ou partiellement une entreprise ni introduire une nouvelle législation qui aurait pour conséquence d’alourdir ses charges ou de l’obliger à renoncer à des investissements et donc à des profits qu’elle pourrait légitimement attendre. L’objectif recherché, plus que la quête d’indemnisations financières par ce biais, est avant tout d’obliger les états à anticiper en supprimant toute législation fiscale, économique, sociale, agricole, sanitaire, environnementale pouvant représenter un obstacle actuel ou futur à la recherche de profits sans entrave.
Les filiales domiciliées au Canada de multinationales américaines pourront poursuivre des états de l’UE au nom du CETA soit 81% des 41 811 entreprises américaines opérant en Europe.
Mise en place d’un Forum de coopération réglementaire FCR
Ce mécanisme, a pour but de renvoyer à plus tard les questions les plus polémiques : normes alimentaires, régulation des produits chimiques …Les promoteurs du CETA pourront donc se targuer de ne pas avoir abaissé certaines normes dans l’accord. Mais ils auront mis en place le mécanisme nécessaire pour définir ces normes après l’entrée en vigueur du traité ! Ce forum sera présidé par un haut représentant du gouvernement canadien et un haut représentant de la Commission européenne et «constitué de fonctionnaires compétents ». Son objectif est de «réduire toute conséquence néfaste des divergences existantes de la réglementation sur le commerce et l’investissement bilatéraux » y compris si nécessaire par «le recours réduit à des instruments réglementaires ayant un effet de distorsion sur le commerce ». Lorsqu’on connaît le pouvoir des lobbies au niveau de la Commission européenne, on ne peut qu’être inquiet. Mais surtout que signifie signer un traité dont un codicille renvoie à plus tard sans aucun contrôle démocratique ni gouvernemental, ni parlementaire, ni citoyen, des pans entiers et fondamentaux de l’accord notamment pour la santé et l’environnement.
La signature du CETA par les états membres peut commencer à tout moment. Puis ensuite viendra la phase de ratification par les Parlements nationaux. Enfin, normalement. J’y reviens plus bas à propos du TAFTA
LE TPP accord de partenariat transpacifique
Ensuite il y a le TPP, accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership) qui vient d’être conclu entre 12 pays d’Asie, du Pacifique et d’Amérique du Nord. (États-Unis, Canada, Mexique, Chili, Pérou, Japon, Malaisie, Vietnam, Singapour, Brunei, Australie et Nouvelle-Zélande) créant la plus vaste zone actuelle de libre-échange au monde (40% du PIB mondial). Son texte exact ne sera pas disponible avant fin octobre ou début novembre.
Pour ce qui a filtré, cet accord valide le pouvoir des tribunaux d’arbitrage privés et renforce considérablement celui des multinationales sur la souveraineté des États. Il favorise la privatisation accrue d’Internet et soumet les règles en matière de droits numériques aux normes américaines. Il comprendrait plus de 20 chapitres touchant de nombreuses questions non commerciales, comme la sécurité alimentaire sur le plan national, la santé, le travail et les politiques environnementales. Il rendrait plus difficile l’accès à des médicaments génériques à bas prix.
LE TAFTA
Puis vient le TAFTA (traité international transatlantique) ou TIPP (partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ) en cours de négociations entre l’Union Européenne et les États-Unis pour instaurer une zone de libre-échange transatlantique ou grand marché transatlantique (GMT) qui dépassera la taille de la zone TPP avec 45,5 % du PIB mondial.
L’ouverture des négociations a été décidée à l’unanimité par les états membres en mai 2013, soutenu par la délégation européenne de l’assemblée nationale sur la base d’un rapport de Seybah Dagoma, députée PS de Paris. http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r1092.asp
Depuis le début le gouvernement français a une attitude peu claire. En fait sur le fonds il n’a pas de désaccord, mais compte tenu de la mobilisation contre le TAFTA, il essaie d’apparaître comme résistant un tout petit peu au moins sur les tribunaux d’arbitrage. Mais en fait les propositions de réforme de l’ISDS avec l’introduction d’un niveau d’appel jusqu’ici totalement absent, ne change rien sur le fonds, puisque les jugement seront toujours rendus sur la base du droit privé commercial tel qu’inscrit dans les traités de libre-échange, c’est à dire un droit au service des multinationales. Toutes les informations sont disponibles sur le site du collectif STOP TAFTAhttps://www.collectifstoptafta.org/ et voir l’analyse du Parti de Gauche https://www.lepartidegauche.fr/system/documents/Pages_de_BrochureGMT2014ok.pdf
RATIFICATION
Reste une question : les états des 28 pays de l’Union européenne seront-ils amenés à ratifier ce traité ou la ratification n’est-elle l’apanage que du Parlement européen ? S’il est considéré comme un accord mixte, c’est à dire que son contenu relève non seulement de la compétence de l’Union mais aussi des compétences nationales des États, alors la ratification par chaque état s’impose. Et donc pour la France, cela implique a minima un vote au parlement.
Or fin septembre la commissaire au commerce a déclaré : «dans la mesure où les accords commerciaux sont de la compétence de l’UE, la Commission considère qu’il n’existe aucune obligation à la ratification individuelle des états». Où l’on voit combien la Commission a peur que la mobilisation contre le TAFTA amène certains pays à rejeter le traité, notamment ceux dont la constitution oblige à la convocation d’un référendum, et mette ainsi à bas toutes ces années de négociations dans le dos des peuples. Il va donc y avoir un gros enjeu autour de cette décision de ratification ou non par les 28 pays.
LE TISA accord sur le commerce des services
L‘Accord sur le Commerce des Services (ACS), ou TiSA (pour Trade in Services Agreement), est un projet de traité en cours de négociation par 23 parties membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont l’Union européenne (représentant 28 États), la Suisse et le Canada, soit un total de 50 États. Le Parlement européen a validé l’ouverture des négociations en juillet 2013, par 526 voix pour (dont UMP, UDI et PS) et 111 contre (dont Front de Gauche et EELV).
Ce traité a pour objectif de détruire tous les secteurs protégés tels les professions réglementées (médecins, pharmaciens, notaires …) considérant qu’il n’y a là que des commerçants devant relever du droit commercial (ce qui n’est pas le cas en France) et en finir avec les services publics en interdisant toute régulation par les États.
Des mobilisations existent dans tous les pays contre tous ces traités. En France aussi notamment avec le collectif STOP TAFTA. Les 15 et 16 octobre, une réunion du Conseil Européen se tiendra à Bruxelles. A cette occasion un ensemble de forces venant de tous les pays de l’Union appellent à manifester Voir ici : http://www.ox15.eu/fr Le Parti de Gauche s’y joint ainsi qu’à toutes les mobilisations pour faire échouer le TAFTA, le CETA et le TISA.
Nous ne jouons pas à nous faire peur : exemples de poursuites au nom du mécanisme de protection des investissements
Les cas d’arbitrage répertoriés découlant d’accords de libre-échange sont passés de 38 en 1996 à 518en 2012 pour un coût moyen de 5,8 millions d’euros. Les firmes multinationales et les fonds spéculatifs sont à l’origine des 2/3 des poursuites. Le Canada a perdu 30 fois sur les 35 poursuites auxquelles il a du faire face pour un montant de 121 millions d’euros ! Dans les procédures restantes, il lui est demandé plusieurs milliards. Les pays de l’UE ont été attaqués 127 fois entre 1994 et 2014 soit plus de 6 fois par an pour des compensations demandées à hauteur de 3 milliards d’euros.
– Achmea, assureur néerlandais, contre Slovaquie : le gouvernement slovaque avait décidé de revenir sur la privatisation du système de santé en 2006 ==> 225 millions d’euros obtenus par Achmea en 2012
– Occidental Petroleum contre Equateur : suite à résiliation unilatérale d’un contrat pétrolier : 5 octobre 2012 1,77 milliard
– Gabriel ressources (société minière canadienne) contre Roumanie. en cours : le gouvernement roumain a décidé d’arrêter l’exploitation de la plus grande mine d’or à ciel ouvert Rosia Montana suite à une mobilisation citoyenne
– Philip Morris contre Australie à propos du paquet de tabac neutre qui mettrait en danger ses ventes futures et donc ses profits ; demande de compensation et de retrait de la loi qui a du coup été suspendue pour le moment
– R.J. Reynolds Tobacco contre Canada en 1990 déjà sur le paquet neutre. Le gouvernement avait reculé devant la menace d’ISDS
– Veolia contre la mise en place d’un salaire minimal en Egypte,
– Lone Pine contre l’interdiction du gaz de schiste au Québec
– Vattenfall contre Allemagne : demande de compensation pour la perte financière subie » par la fermeture de ses deux centrales nucléaires.
– Vattenfall contre Hambourg en 2010, 1,4 milliard d’euros réclamés : révision à la baisse des exigences écologiques pour la construction d’une centrale à charbon en échange de l’abandon de la plainte