Mar 02

Loi El Khomri : une loi pour nous pourrir la vie

L’avant projet de loi El Khomri, en réalité grossièrement rédigé par les équipes de Manuel Valls et validé par le président de la République, réserve certaines surprises aux salariés du pays. Voici les 16 pires mesures, qui nous ramènent directement vers le XIXe siècle.

Vol de salaire

1. Les temps d’astreinte ne seront plus indemnisés

Désormais, les temps d’astreinte (où vous devez rester au service de l’employeur, en-dehors de votre lieu de travail) ne seront plus indemnisés. Vous pourrez donc passer des nuits blanches à côté du téléphone, à attendre un éventuel coup de fil de votre patron… gratuitement ! Myriam El Khomri parvient ici à être plus libérale encore que le droit européen qui prohibe cette mesure. En outre, il n’est plus obligatoire de « demeurer à son domicile ou à proximité » afin de pouvoir intervenir sur le site rapidement. Bientôt des astreintes sur le lieu même de travail ?

2. Les heures supplémentaires moins payées…

Une entreprise pourra payer les heures supplémentaires avec seulement 10% d’augmentation par rapport au salaire normal, même si l’accord de branche disait 25% ! Faisons la simulation pour un salarié au SMIC : cela revient à diminuer de 12€ à 10,60€ son heure supplémentaire. On lui vole donc 1,40€ à chaque heure supplémentaire.

3. … ou pas du tout !

Certaines heures supplémentaires ne seront même plus payées. En effet, les entreprises pourront avec ce texte compter leur temps de travail sur 3 ans au lieu d’une seule année. Cela signifie que nous pourrons tous effectuer des heures supplémentaires pour un supplément… réduit à néant, si nous avons travaillé moins les deux années précédentes !

Épuisement au travail

4. Les heures de repos fractionnées

En France, la moitié des cadres travaillent au forfait-jour. Ils sont ainsi payés selon leur nombre de jours de travail par an, plutôt que leur nombre d’heures par semaine. Jusqu’à présent, ils étaient protégés à minima, avec 11 heures de repos consécutif par tranche de 24 heures. Maintenant, les 11 heures de repos pourront être fractionnées. Imaginez la scène : le cadre arrivera à 7h du matin, travaillera jusqu’à midi, dormira 6h, travaillera jusqu’à 2h du matin, une sieste de 5h, et retour au boulot !

5. Le temps de travail maximum décompté sur plus de semaines

Un temps de travail maximum de 44 heures pourra être imposé pendant 16 semaines au lieu de 12.

6. Des accords individuels plutôt que collectifs

Le passage au forfait jour se faisait après un accord collectif. Maintenant, chaque salarié peut accepter dans son coin. Si seuls des cadres sans enfant veulent le forfait jour mais sont minoritaires, ils pourront être les seuls à adopter ce statut… et bon courage aux autres pour progresser dans la carrière !

7. Temps d’habillage, de pause, de restauration : plusieurs reculs

Les temps d’habillage ne pourront plus être comptés comme du temps de travail effectif. Considère-t-on que les ouvriers enfilent un bleu de travail pour leur simple plaisir ? De même, les temps de pause ou de restauration ne pourront plus être rémunérés.

8. Le travail de nuit moins protégé

Le travail de nuit n’est plus un intervalle entre minuit et six heures du matin, mais minuit et cinq heures du matin. Des salariés de la sécurité, par exemple, qui démarrent leur emploi à cinq heures du matin, perdent la protection spécifique du travail nocturne. Cerise sur le gâteau, leur surveillance médicale ne doit plus être effectuée avant affectation sur un poste de nuit. On découvrira donc les problèmes sanitaires lorsque les salariés mourront à leur poste, plutôt que d’évaluer la dangerosité en amont.

9. Les apprentis moins protégés

La réduction du temps de travail avait démarré avec la protection des enfants… désormais, ils sont les principales victimes : les apprentis, donc des salariés parfois mineurs, pourront travailler jusqu’à 40 heures par semaine et 10 heures par jour. Pour le ministère, le droit du travail doit apparemment se mériter avec l’âge.

Licenciés plus facilement

10. Les indemnités de licenciement plafonnées

Lors du licenciement abusif d’un salarié par son employeur, les indemnités seront plafonnées. C’est-à-dire que l’employeur paiera une somme maximum, qui sera écrite noire sur blanc. Dit autrement : les employeurs pourront tranquillement calculer le prix d’une violation de la loi ! Dans la même logique, à quand un plafonnement des indemnités pour homicide, afin de compter ses sous avant l’acte ?

11. Les salariés paieront les choix de la direction

En cas de « passage à vide économique » ou de « conquête de nouveaux marchés », l’employeur pourra diminuer le temps de travail et le salaire pour 5 ans. Les salariés ont le choix entre accepter, ou être licenciés pour « cause réelle et sérieuse ». Par exemple, si une grande entreprise a investi n’importe comment et ne vend plus, l’employeur peut retirer 200€ par mois à ses salariés. Ces derniers sont privés de tout pouvoir dans les conseils d’administration, mais doivent en payer toutes les erreurs. 

Le pouvoir aux employeurs

12. Des accords défavorables pour les salariés

Constitution « d’accords majoritaires pour l’emploi », qui permettent au patronat de s’appuyer sur le chantage à l’emploi pour modifier des clauses du contrat de travail, par exemple sa durée ou son organisation. Le gouvernement se fiche du monde lorsqu’il explique qu’on ne « pourra pas baisser la rémunération des salariés sans leur accord » : travailler 39 heures pour un salaire de 35 heures, c’est bien une baisse de revenus ! Seules des personnes n’ayant jamais connu un véritable contrat de travail dans toute leur vie, comme El Khomri ou Badinter, peuvent croire à ces inepties. De plus, nouveauté complètement délirante, tout salarié qui refuserait cet accord sera immédiatement licencié pour faute, et interdit de saisie des prud’hommes.

13. Des votes de chantage

Un accord d’entreprise pourra être validé par un vote direct des salariés, en contournant les représentants élus. De cette manière, le patronat pourra consulter les employés sur les sujets qu’il souhaite. Si seuls deux salariés se déplacent pour voter comme le souhaite l’employeur, tous les représentants des salariés seront écartés ! Ainsi, à Smart France, les cadres se sont rendus aux urnes pour imposer aux ouvriers le retour aux 39 heures hebdomadaires. Plus généralement, un plébiscite en entreprise est comme un vote organisé par le propriétaire de votre appartement, ou par le banquier qui gère votre crédit, c’est un vote sous menace. Nous refusons les votes de chantage, que ce soit contre un peuple (comme à Chypre ou en Grèce) ou que ce soit contre un collectif de travail dans les entreprises de France.

14. Aller au travail quand on pleure le décès d’un proche

Un article permet de retirer aux salariés le droit à deux jours de pause, lorsqu’un proche est décédé. Grâce au projet El Khomri, les salariés de ce pays devront aller travailler le jour d’un enterrement.

15. Les congés de formation entre les mains des employeurs

Entre autre congé, le congé de formation économique, sociale et syndicale (12 jours par année)pourra désormais être refusé par l’employeur, sans que le comité d’entreprise n’ait plus son mot à dire.

16. Le Medef maître des choix judiciaires

Le Medef pourra choisir ses juges et arbitres, afin d’exploiter au mieux ses salariés. En effet, lorsque les directions départementales prendront une décision, il pourra se tourner vers le juge judiciaire et non plus les tribunaux administratifs, histoire de choisir sa juridiction, au mépris de toute égalité devant la loi.

La France insoumise

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Mar 01

Loi Travail : continuons pour un retrait total !

Loi Travail : Mélenchon continue de demander le «retrait total»

Loi Travail : Mélenchon continue de demander le «retrait total»

Dépêche AFP – 12h41

Le cofondateur du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon, qui a « proposé » sa candidature à la présidentielle, se réjouit lundi du report de la présentation du projet de loi sur le travail mais continue d’en demander le « retrait total ».

« Report de la #LoiTravail : première victoire. Vive le #9mars ! Retrait total de la loi ! » a tweeté l’ancien candidat à la présidentielle de 2012 dans les minutes qui ont suivi l’annonce de ce report par Manuel Valls.

Le texte sera finalement présenté le jeudi 24 mars en conseil des ministres, a précisé une source gouvernementale à l’AFP.

Evoquant une « loi du retour du passé », dans un post de blog diffusé dimanche, M. Mélenchon avait ironisé : « Manuel Valls ne prend pas assez en compte l’utilité du travail des enfants pour relever le défi de la compétitivité, de la flexibilité et de la modernité ».

Il avait estimé que « la volonté de lutte se répand comme une traînée de poudre cristallisant toutes les haines que le gouvernement suscite », jugeant qu’en l’état le texte allait « mettre la vie quotidienne des salariés en miettes » et « ne créera(it) pas un seul emploi ».

De son côté Eric Coquerel, coordinateur politique du Parti de gauche, a qualifié ce report de « première reculade », rappelant la mobilisation prévue le 9 mars. « Un report de 15 jours est une 1ère reculade de #valls : poussons jusqu’au retrait de la #loielkhomri. Le 9/3 on mobilise ! #OnVautMieuxQueCa », a tweeté M. Coquerel.

Le chef du gouvernement a annoncé lundi que le projet de loi El Khomri serait présenté en conseil des ministres « une quinzaine de jours » plus tard que la date prévue (9 mars), et qu’il rencontrerait entre-temps l’ensemble des partenaires sociaux.

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Fév 22

Loi sur le travail: jusqu’au bout de la déchéance !

Nous reproduisons ci-après un article du site Médiapart publié le 20 février 2016, signé Laurent Mauduit, qui dresse un historique très utile des diverses lois sur le travail prises par les gouvernements successifs, et met ainsi en perspective le scandaleux projet de loi El Khomri.

Voir aussi le communiqué du Parti de Gauche et l’éditorial de Danielle Simonnet

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Sur Médiapart – 20/02/2016

Par Laurent Mauduit

Durant son quinquennat, François Hollande aura dynamité le code du travail avec plus de violence que tous les gouvernements de droite réunis depuis trois décennies. Il aura aussi tourné le dos à l’histoire et aux valeurs de la gauche. La rupture dans la politique sociale est aussi spectaculaire qu’elle l’est en matière de libertés publiques.

C’est comme une interminable descente aux enfers ! À chaque nouvelle annonce faite par François Hollande ou par Manuel Valls, on se prend à penser que, décidément, avec eux, on touche le fond ; que rarement des dignitaires socialistes auront à ce point piétiné les promesses faites à leurs électeurs, en même temps que leurs propres valeurs. Et pourtant non ! À chaque fois, on est saisi par un sentiment de sidération, parce que le fond est plus bas que l’on pensait, encore plus bas, toujours plus bas…

Ainsi donc, la France vit depuis plusieurs mois, avec la déchéance de nationalité – projet qui a été emprunté au programme du Front national – et la constitutionnalisation de l’état d’urgence, une séquence infernale dont on peut déjà tirer un premier enseignement : depuis la guerre d’Algérie, aucun gouvernement, de gauche comme de droite, n’aura plus attenté aux valeurs de la République et mis en danger les libertés publiques que ne l’aura fait celui de Manuel Valls. Et voici que cette séquence n’est pas même refermée qu’une autre commence, avec l’annonce d’une nouvelle rafale de dispositions visant à démanteler le code du travail, qui invite à un constat symétrique : depuis la Libération, jamais un gouvernement, de gauche comme de droite, n’aura à ce point autant dérégulé le marché du travail que celui du même Manuel Valls.

En d’autres temps, Lionel Jospin s’était indigné que l’on puisse dire qu’entre 1997 et 2002, du temps où il était premier ministre, il avait plus privatisé que ne l’avaient fait avant lui les gouvernements de droite depuis 1986 – ce qui est pourtant la stricte vérité (lire Jospin raconte (assez mal) Jospin). Pour François Hollande, on pourra faire bientôt une remarque voisine : durant son quinquennat, il aura plus démantelé le code du travail que ne l’ont fait les gouvernements de droite ces dernières décennies. Pour être plus précis, il aura plus pris de mesures de dérégulation à lui tout seul que tous les gouvernements de droite réunis, depuis qu’au début des années 1980 la vague néolibérale a déferlé.

Lorsque l’on scrute le projet de loi sur le travail de la ministre Myriam El Khomri, il y a en effet deux constats qui s’imposent à l’esprit. D’abord, ce coup de boutoir contre le code du travail vient après beaucoup d’autres qui ont été donnés depuis 2012 ; et en bout de course, la présidence de François Hollande aura donc bel et bien été la plus réactionnaire que la France ait connue depuis l’après-guerre. Ensuite, le projet de loi sur le travail présente une singularité : le gouvernement ne se soucie plus des apparences et, sans même prétendre fallacieusement qu’il conduit une politique sociale-libérale, il se borne à reprendre les mesures les plus radicales revendiquées par le Medef.

Que l’on veuille bien en effet se replonger en arrière, dans le bilan social des gouvernements de droite depuis près de trente ans, la dérégulation sociale est un débat récurrent, mais chaque gouvernement pris isolément n’a guère osé engager des réformes, ou alors qu’une seule véritable, et avec d’infinies précautions.

C’est le cas par exemple du gouvernement de Jacques Chirac, de 1986 à 1988. À l’époque, le président du CNPF (l’ancêtre du Medef), Yvon Gattaz (le père de Pierre Gattaz), avait haussé le ton dans le débat public, pour revendiquer la création de ce qu’il avait appelé avec beaucoup de cynisme des « ENCA » – pour « Emplois nouveaux à contrainte allégée » – promettant que si sa demande était exaucée, des centaines de milliers d’emplois verraient le jour. La demande avait tellement inquiété que la revue Droit social, par un formidable professeur de droit du travail, Jean-Jacques Dupeyroux, avait organisé au début de 1986 un colloque à Montpellier qui avait eu un très grand retentissement parce qu’elle l’avait placé sous cette interpellation – qui, dans ces années-là, était nouvelle et semblait provocatrice : « Faut-il brûler le code du travail ? » – colloque dont la revue a peu après publié les actes (Droit social, no spécial, juillet-août 1986).

Voulant mimer ce que Ronald Reagan a entrepris aux États-Unis et Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, Jacques Chirac promet donc qu’il va, lui aussi, engager la France dans la voie de la déréglementation sociale. Mais il n’avance finalement qu’avec la plus extrême prudence, tout comme son ministre du travail, Philippe Séguin, en ne prenant en réalité qu’une mesure forte : la suppression de l’autorisation administrative préalable aux licenciements. Ce qui, à l’époque, offusque les socialistes, qui promettent en cas d’alternance de rétablir cette autorisation administrative. Soit dit en passant, les centaines de milliers d’emplois nouveaux promis par Gattaz père n’ont pourtant jamais été créés…

De la loi quinquennale pour l’emploi et la formation professionnelle qui voit le jour en décembre 1993, sous le gouvernement d’Édouard Balladur, on peut dire à peu près la même chose. S’il s’agit d’une réforme beaucoup plus ample, contenant une rafale innombrable de dispositions, multipliant les allègements de cotisations sociales, des dispositions d’aménagement et de modulation du temps de travail ou favorisant les emplois familiaux, une seule mesure importante visait à modifier la nature du contrat de travail : il s’agissait de créer des contrats à durée déterminée, compris entre six mois et un an, et renouvelable une fois, destinés aux jeunes de moins de 26 ans. Mais on sait ce qu’il en est advenu. Baptisé « Contrat d’insertion professionnelle » (CIP), ce projet de contrat a été aussitôt rebaptisé « Smic jeunes » par les centaines de milliers de lycées et étudiants qui ont déferlé dans la rue à la fin du mois de février 1994, si bien que le 30 mars 1994, le premier ministre Édouard Balladur a été dans l’obligation de retirer son projet. De la dérégulation sociale, on a donc encore beaucoup parlé, lors de cette seconde cohabitation, mais les avancées néolibérales n’ont pas été spectaculaires.

Dans les années qui suivent l’alternance de 2002, la déréglementation sociale accélère, en parallèle aux avancées de la mondialisation. Mais les gouvernements successifs, celui de Jean-Pierre Raffarin, et après celui de Dominique de Villepin engagent toujours des réformes avec circonspection. De nouvelles formes d’emplois dérégulés sont créées, comme le contrat d’accompagnement dans l’emploi ou le contrat d’avenir qui figurent dans la loi de programmation pour la cohésion sociale, présentée par Jean-Louis Borloo ; ou le contrat première embauche (CPE) de Dominique de Villepin. Mais tous ces contrats visent insidieusement à contourner le contrat à durée indéterminée (CDI), pas encore à le remettre en cause frontalement.

La décisive inversion de la hiérarchie des normes sociales

Tout aussi symboliquement, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin engage une réforme sociale majeure – une contre-réforme, en fait – en décembre 2003, mais les choses se passent dans ces années-là, si l’on peut dire, en crabe : il s’agit de la réforme dite de l’inversion de la hiérarchie des normes sociales. Comme l’avait expliqué le 11 décembre 2003, lors d’une motion d’irrecevabilité, le député socialiste Alain Vidalies – il a depuis abjuré toutes ses convictions ! –, cette hiérarchie était jusqu’à ce jour l’un des fondements majeurs du droit social : « À mesure que l’on descend dans la hiérarchie des normes, on ne peut qu’améliorer les droits des travailleurs et les garanties sociales, individuelles comme collectives. En d’autres termes, le contrat de travail ne peut être moins favorable aux salariés que l’accord d’entreprise ou d’établissement, l’accord d’entreprise que l’accord de branche et l’accord de branche que l’accord interprofessionnel. » En proposant que des accords d’entreprise puissent désormais ouvrir droit au bénéfice de dérogations au code du travail qui n’étaient jusque-là réservées qu’à des accords de branche – et dans des sujets aussi importants que le recours aux CDD, au travail intérimaire ou saisonnier, à la durée du travail… –, le gouvernement avait bouleversé radicalement ce qu’il est convenu d’appeler « l’ordre public social » – et c’était une grande première dans l’histoire du droit social français. Pour le patronat, c’était, si l’on peut dire, la mère de toutes les réformes…

Mais quand cette réforme a été engagée, le gouvernement de l’époque a pris beaucoup de gants. C’est en effet presque à la sauvette que le débat a eu lieu puisque le gouvernement a rusé, en insérant cette réforme majeure dans un projet de loi traitant tout à la fois de la « formation professionnelle tout au long de la vie » et du « dialogue social » – deux sujets suffisamment importants pour occuper des débats distincts. Et c’est sous la forme d’amendements, comme s’il s’agissait d’une petite retouche et non d’une réforme de fond, que François Fillon, à l’époque en charge du dossier comme ministre du travail, est parvenu à faire passer cette inversion de la hiérarchie des normes. C’est dire si la droite était encore extrêmement précautionneuse…

Mais, à partir de 2007, avec l’élection de Nicolas Sarkozy, tout change : la déréglementation sociale devient le cap revendiqué par la puissance publique. Et l’inversion de la hiérarchie des normes sociales, qui avait été décidée à la sauvette en 2003, commence concrètement à s’appliquer. Par exemple, le gouvernement de l’époque fait adopter une réforme du forfait jour pour les cadres très régressive, puisque des accords d’entreprises peuvent éventuellement porter la barre au-delà des 235 jours de travail, déjà très inquiétante, fixée par la loi.

Promis pendant la campagne présidentielle par Nicolas Sarkozy, un nouveau contrat de travail prévoit par ailleurs un système de rupture par consentement mutuel entre l’employeur et le salarié. Et là encore, c’est une mise en pratique de cette inversion de la hiérarchie des normes sociales, avec tous ses effets pernicieux induits, puisque cela vise à sortir d’un vieux système : le contrat à durée indéterminée (CDI), adossé à des règles nationales, et notamment des règles de droit très strictes, celles du droit du licenciement. Et à y substituer un contrat nouveau, où la loi s’efface au profit d’une relation purement contractuelle entre le salarié et l’employeur.

Du temps de travail au contrat de travail, c’est d’ailleurs la philosophie générale de la politique sociale du gouvernement de ces années-là. Avec comme onde de choc, un retrait progressif de la loi et une contractualisation à outrance des relations sociales. Une contractualisation ou une individualisation. C’est donc l’aboutissement ultime de cette inversion de la hiérarchie des normes : elle conduit, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, à un émiettement des relations du travail. Plus que cela, à placer le salarié, seul, face à l’entreprise. C’est la remise en cause des règles fondamentales qui ont présidé pendant des lustres à l’élaboration du code (national) du travail.

Du même coup, on comprend mieux dans quelle philosophie sociale s’inscrit la politique qui est impulsée à partir de 2012 par François Hollande : elle se rapproche beaucoup plus de celle conduite par Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 que de celles conduites par la droite dans les périodes antérieures, que ce soit durant les années 1986-1988, entre 1993 et 1997, ou encore entre 2002 et 2007. L’inspiration de François Hollande est la même que celle de Nicolas Sarkozy : l’entreprise est le seul référent et doit prévaloir sur la loi ou l’accord de branche…

L’inspiration est la même, mais il y a une chose qui change : c’est le rythme et la violence des réformes néolibérales. D’un seul coup, à partir de 2012, les coups de boutoirs contre le code du travail sont plus violents et surtout beaucoup plus répétés. C’est comme un feu roulant : dès qu’une réforme antisociale entre en application, une autre est tout aussitôt annoncée. Temps bénis pour le Medef qui peut faire de la surenchère autant qu’il veut, avec la certitude qu’il sera entendu dans toutes ses outrances.

Il y a ainsi eu, en 2013, l’accord national interprofessionnel (ANI) « sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi », avec à la clef une cascade de dispositions socialement très régressives : possibilité de recours à des accords d’entreprise autorisant une hausse du temps de travail sans hausse des salaires, et même avec des baisses de salaires ; procédures facilitées pour les licenciements économiques, avec la possibilité de plans sociaux accélérés, considérés comme conformes au bout de trois semaines si l’administration n’a pas opposé avant son veto ; raccourcissement de la période pendant laquelle un salarié peut saisir le juge des prud’hommes concernant l’exécution ou la rupture de son contrat de travail, etc.

Il y a eu encore, en 2015, la loi Macron qui a très fortement renforcé l’arsenal de ces mesures anti-sociales, avec la déréglementation du travail le dimanche. De nouvelles dispositions facilitant encore plus les procédures de licenciement, et réduisant encore davantage les possibilité de recours des salariés, ont aussi été prises dans cette loi fourre-tout.

La symbolique des 35 heures

Et parmi d’innombrables autres mesures – Mediapart va bientôt en faire une recension beaucoup plus exhaustive –, voici donc que le ministre du travail dévoile un projet qui entend faire tomber de nouveaux pans entiers du code du travail : dynamitage des 35 heures, avec la possibilité ouverte aux entreprises de faire travailler leurs salariés jusqu’à 12 heures par jour (contre 10 heures actuellement), ou jusqu’à 46 heures par semaines pendant 16 semaines consécutives ; élargissement des clauses autorisant les entreprises à recourir aux accords de compétitivité, leur permettant d’augmenter le temps de travail, mais pas les salaires, avec à la clef le licenciement possible des salariés qui s’y opposent ; élargissement des critères ouvrant droit aux licenciements économiques et possibilité ouverte aux multinationales de procéder à des licenciements en France même si leurs filiales étrangères sont prospères ; plafonnement des indemnités que peuvent accorder les juridictions prud’homales à l’équivalent de 15 mois de salaires ; feu vert aux référendums d’entreprise, avec à la clef une très grave mise en cause des syndicats…

Bref, même si le projet de loi n’est pas encore stabilisé, ce sera, dans tous les cas de figure, un véritable dynamitage du code du travail auquel les dirigeants socialistes auront procédé durant le quinquennat de François Hollande.

C’est dire si ce quinquennat marque une rupture sur le plan social autant que sur les libertés publiques. Et cette rupture est encore plus spectaculaire, si l’on ne prend en compte que les politiques sociales conduites par la gauche, depuis plus de trois décennies.

Cela coule naturellement de source si l’on examine d’abord ce que fait la puissance publique sous le premier septennat de François Mitterrand. Dès 1983-1984, avec le virage de la « rigueur », les socialistes conduisent certes une politique économique beaucoup plus libérale. Mais l’heure n’est pas encore à la déréglementation sociale. De ce premier septennat, on peut donc ne retenir que quelques grands « acquis sociaux » – le terme n’est pas encore jugé archaïque – comme le passage aux 39 heures, la cinquième semaine de congés payés ou la retraite à 60 ans.

Mais, même ensuite, quand la gauche commence à prendre des mesures de déréglementation sociale, elle ne le fait qu’avec une infinie prudence. Ou alors, elle prend soin de contrebalancer un dispositif accroissant la flexibilité par des mesures de compensation.

En faut-il une preuve, on la trouve dans la politique sociale du second septennat de François Mitterrand : les socialistes renoncent alors à rétablir l’autorisation administrative préalable aux licenciements, mais ils n’en font guère plus en matière de déréglementation. Sauf peut-être dans un domaine : la ministre du travail de l’époque, Martine Aubry, prend des mesures d’allègements des cotisations sociales qui vont fortement favoriser le dramatique essor du travail à temps partiel, et notamment du travail à temps partiel féminin contraint.

Un autre exemple encore plus net est fourni par les 35 heures. Car sous le gouvernement de Lionel Jospin, les socialistes commencent à baisser les bras, face aux avancées de la mondialisation. Et les 35 heures, qui devaient initialement être payées 39 heures, sont finalement mises en œuvre dans des conditions totalement différentes de ce que les congrès du PS avaient décidé : la réforme va de pair avec une flexibilité accrue du travail et notamment une annualisation du temps de travail – qui jusque-là constituait un véritable chiffon rouge pour la gauche et le mouvement syndical. Et les 35 heures ont aussi débouché sur une forte modération salariale, à l’inverse de ce que les socialistes avaient initialement promis !

Mais enfin ! La réforme des 35 heures a eu aussi des effets positifs et, en tout premier lieu, des créations massives d’emplois : les études les plus fiables suggèrent que les lois Aubry ont conduit à la création de quelque 350 000 emplois dans les années suivant leur mise en œuvre, sans nuire à la compétitivité des entreprises.

Face aux avancées de la mondialisation, Lionel Jospin cède donc du terrain, mais beaucoup plus dans les domaines financiers, économique et fiscaux que dans le domaine social, où le bilan est plus nuancé.

Ce souci d’équilibre est d’ailleurs encore transparent au tout début du quinquennat de François Hollande. Car quand il force la main aux partenaires sociaux pour qu’ils s’entendent sur l’accord national interprofessionnel (ANI), la loi qui en découle cherche encore à sauver les apparences. En face des mesures de déréglementation, comme pour les contrebalancer, il y a des mesures qui sont présentées comme de nouvelles garanties : droits rechargeables pour l’assurance chômage, généralisation des systèmes de complémentaire santé…

En réalité, avec l’ANI, il s’agit d’un marché de dupes : les mesures de déréglementation du travail sont massives ; et les compensations infimes ou illusoires. Mais enfin ! Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault essaie tout de même de donner le change, pour faire croire que sa politique sociale est assise sur un donnant-donnant. Et cela marche : complaisamment, les grands médias qualifient cette politique de sociale-libérale, alors qu’il s’agit d’une politique… néolibérale. On peut d’ailleurs lire rétrospectivement avec beaucoup d’intérêt un billet de blog (L’accord du 11 janvier 2013 sert-il la cause de l’emploi ?) écrit sur l’ANI par Raphael Dalmasso, maître de conférences à l’université de Nancy, Bernard Gomel, chercheur au CNRS, Dominique Méda, professeure à l’Université Paris-Dauphine, et Evelyne Serverin, directrice de recherches au CNRS, tous associés au centre d’études de l’emploi (CEE), qui critiquaient cet accord quelques jours à peine après qu’il eut été signé. Ce texte avait parfois été jugé trop sévère, alors que l’on se rend compte aujourd’hui qu’il visait juste.

Mais François Hollande et Manuel Valls n’ont plus même besoin, désormais, de donner le change. Du même coup, ni donnant-donnant, ni troc ! La réforme qui est aujourd’hui en gestation se présente, sans fard, pour ce qu’elle est : un dynamitage encore plus violent que les précédents de ce qui reste du code du travail. Ni maquillage, ni faux-semblant : c’est dans la boîte à outils intellectuelle du Medef que le gouvernement est allé puiser toutes les dispositions qui vont constituer la charpente de son projet de loi.

C’est pour cela, comme dans le cas de la déchéance de nationalité ou de la constitutionnalisation de l’état d’urgence, qu’il s’agit d’une réforme qui marque une rupture sans précédent. Une rupture avec ce qu’a été l’histoire sociale française, qui a longtemps privilégié la politique contractuelle et le respect des partenaires sociaux – là où il n’y a plus maintenant que mépris et passage en force !

Et puis, plus encore une rupture avec l’histoire longue de la gauche dont les combats, depuis le XIXe siècle, se sont souvent confondus avec ceux de ce qu’en d’autres temps on appelait le mouvement ouvrier. Mais qui parle encore de conquêtes sociales ? Qui défend encore l’ambition d’une République sociale ? En fait, le pouvoir socialiste poursuit et accélère la déconstruction du modèle social dont la France s’était dotée à la fin de la guerre – déconstruction remarquablement décrite dès 2010, par Alain Supiot dans son livre L’Esprit de Philadelphie (voir ici l’entretien que nous avions eu avec lui). Et ce travail de déconstruction est à ce point spectaculaire qu’il suscite un vif émoi à gauche et dans le mouvement syndical, comme en témoigne l’écho rencontré par une pétition lancée par des militants politiques ou sundicaux: la pétition est ici. Cette déconstruction scandalise même les figures les plus connues du socialisme français, comme Pierre Joxe qui, le 19 décembre 2014, participait à un débat de Mediapart et avait fait ce constat terrible : « Je suis éberlué par cette politique qui va contre notre histoire. »

(Voir Pierre Joxe : « La gauche n’a pas été élue pour…par Mediapart – Pierre Joxe: « la gauche n’a pas été élue pour faire cette politique »)

Alors, voyant comment les dignitaires socialistes tournent aujourd’hui le dos à tous les idéaux anciens de la gauche, ceux qu’ils ont eux-mêmes si longtemps défendus, on ne peut s’empêcher de ressasser les vers de « La Victoire de Guernica », de Paul Éluard : « Ils persévèrent, ils exagèrent, ils ne sont pas de notre monde. »

Laurent Mauduit

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Fév 19

DEFENDONS LA PRODUCTION FERMIERE !

La grippe aviaire a déclenché une très grave crise économique chez les éleveurs de volailles, en tout premier lieu les petits élevages fermiers, très nombreux en Dordogne.

Ceux-ci sont directement menacés de disparition par les conséquences des mesures prises par le gouvernement (vide sanitaire, donc sans production, pendant + de 6 mois, et mesures dites de « bio-sécurité » incompatibles avec leur mode d’élevage en plein air),  complètement inadaptées, et taillées encore une fois pour répondre aux besoins exclusifs des grands groupes exportateurs français.

Le Parti de Gauche exprime son entière solidarité avec les producteurs et appelle à manifester avec eux et la Confédération Paysanne  dimanche 21 février à Toulouse.

 

INFLUENZA AVIAIRE
SAUVONS L’ÉLEVAGE FERMIER menacé par les mesures de biosécurité prises pour lutter contre l’influenza aviaire.
MOBILISATION A TOULOUSE
CE DIMANCHE 21 FÉVRIER 2016
LES OIES AU CAPITOLE
10h30-16h00 MARCHE GOURMAND
avec les produits de nos fermes14h00 CONFÉRENCE DÉBAT
« Influenza aviaire, modes de production et santé animale »
avec le Professeur Guérin
de l’École Nationale Vétérinaire de ToulouseVENEZ NOMBREUX !
Tous les producteurs sont invités à participer.
Différents départs de Dordogne, nous contacter au plus vite par mail et tel pour organiser les départs communs.

Si certains veulent participer au marché paysan, inscrivez-vous au plus vite sur le lien suivant pour une bonne organisation et pour les besoins en électricité.

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Fév 14

SOUTENEZ LA PROPOSITION DE CANDIDATURE DE JEAN-LUC MELENCHON !

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Fév 13

Jean-Luc Mélenchon propose sa candidature pour l’élection présidentielle de 2017

 

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Vous pouvez soutenir cette proposition de candidature  sur le site  http://www.jlm2017.fr

 

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