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Fév 14

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Une guerre contre les peuples européens

C’est dans un grand fracas médiatique que s’est déroulée l’annonce de la perte du triple A par l’agence de notation Standard & Poors, perte assimilée à une dégradation de la situation de la dette souveraine de la France par l’ensemble des médias.

Mais qu’en est-il exactement ?

Standard & Poors souligne d’abord l’insuffisance de l’accord européen du 9 décembre, accord fondé uniquement sur une compréhension partielle des causes de la crise ne fournissant pas assez d’outils pour venir en aide aux Etats en difficulté et ne se préoccupant que d’une rigueur budgétaire renforcée, sans aborder selon elle les questions de fond que sont les déséquilibres extérieurs croissants et les divergences de compétitivité entre le noyau dur de la zone euro et la périphérie.

Standard & Poors dénonce cette politique hémiplégique reposant seulement sur le pilier de l’austérité budgétaire qui risque d’enclencher un processus d’auto-destruction de réduction de la dépense entraînant une baisse des rentrées fiscales.

Ce qui est donc mis en cause c’est la rigueur européenne. C’est bien le couple Merkozy qui est dégradé.

Pour comprendre la situation, la question de la dette en France est à replacer dans l’affrontement permanent entre démocratie politique et capitalisme de marché.

Fini le compromis dessiné dans l’après guerre par le programme du Conseil National de la résistance – une acceptation de l’économie de marché et de la propriété privée en échange d’une démocratie politique garantissant protection sociale et amélioration du niveau de vie, un élargissement de l’état providence.

Au milieu des années 70 et pendant les années 80, la diminution des prélèvements fiscaux, la fin de la dévaluation de la dette publique par l’affaiblissement de la monnaie nationale grâce à l’inflation et à la création de monnaie par la planche à billets, l’accroissement des dépenses d’aide sociale du à la hausse du chômage ont conduit l’Etat à financer la paix sociale par la dette publique.

Pire, dans les années 90, les Etats ont vendu des fonds souverains à des investisseurs étrangers. Puisque la BCE ne peut prêter directement aux Etats, une partie de plus en plus importante de la dette publique résulte depuis du seul remboursement des intérêts. Et puis les particuliers se sont endettés pour compenser la compression des salaires et la perte des acquis sociaux.

2008 a été l’année de l’effondrement de la pyramide des crédits internationaux, celle de la socialisation des emprunts toxiques. Les Etats ont sauvé les banques qui ont immédiatement exigé des taux plus élevés pour le remboursement des dettes souveraines. C’est bien un comble !

L’importance donnée aujourd’hui aux agences de notation est purement idéologique.

Les « experts » aux ordres de la grande finance pensent et mettent en place des dispositifs de persuasion, d’argumentation et de manipulation de l’opinion pour obtenir la soumission sociale des individus, des populations et des peuples – un art libéral de gouverner soulignant le passage de la culture du capitalisme industriel à une culture du capitalisme financier. Ils imposent des normes, fondées sur l’homogénéisation égalitaire des chiffres, chargées de générer l’apathie politique, la résignation à la collaboration des individus à leur propre malheur, à la servitude volontaire. On vise une norme, on exacerbe la concurrence, on accroît les inégalités.

L’évaluation par les agences de notation participe à la décrédibilisation des travailleurs et des citoyens en cherchant à les déposséder de leurs activités et de leurs droits démocratiques, à cette révolution conservatrice qui justifie le démantèlement des services publics, le massacre de l’Etat social, la liquidation des acquis de l’Etat providence, la destitution des métiers, la liquidation de l’autonomie du champ politique, de la volonté politique, au profit d’une culture de la normalisation.

L’oligarchie financière a donc entamé ce qu’elle considère comme son ultime combat contre les pouvoirs politiques: défaire les états pour les remplacer par des planificateurs de la finance, en imposant à la tête des états des dirigeants nommés par le cartel des banques internationales chargés de mettre en œuvre des politiques fiscales et budgétaires conforme à son seul intérêt. C’est ce qui vient de se passer en Italie et en Grèce.

Et pourtant, l’économie de la France est qualifiée par Standard & Poors de prospère, riche, vigoureuse et diversifiée avec une main d’œuvre hautement qualifiée et productive.

Les solutions ne sont pas comme le propose Standard & Poors et son credo libéral, une plus grande flexibilisation du marché du travail et des réformes structurelles, pénitences rituelles désormais censées répondre à tous les maux, comme les saignées d’antan.

Les critères ne doivent plus être ceux de la finance mais ceux de l’intérêt général – la lutte contre la spéculation, le blocage des échanges de capitaux avec les paradis fiscaux, la réforme profonde de la fiscalité, la suppression des niches fiscales, l’impôt sur la fortune et les hauts revenus, la suppression des exonérations de cotisations patronales.

Il faut mettre fin au processus de marchandisation de la dette publique – la BCE doit prêter directement aux Etats. Il faut désobéir au Traité de Lisbonne et revenir sur le ratio imposé déficit budgétaire/dette publique.

Il faut des banques publiques pour financer la relance de l’activité économique et la réindustrialisation de la France dans le cadre d’une planification écologique.

 

Alors il est grand temps de résister, de reprendre le pouvoir et de mettre « L’HUMAIN D’ABORD ».

17 janvier 2012

Catherine DUPUY
Alain DESCAVES
Co-secrétaires du comité du Périgord Noir du Parti de gauche- Front de Gauche

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