Manifestement le poids que prend le Parti de Gauche et Jean-Luc Mélenchon dans la situation politique et sociale que nous connaissons irrite ceux qui pensent que leur hégémonie sur la gauche est intangible.
Preuve sans doute que l’on commence à comprendre que nous sommes sérieux quand nous expliquons, avec le Front de Gauche, qu’il faut bousculer les rapports de force à gauche pour être en capacité de battre la droite. Ceux qui n’ont nulle envie de se voir ainsi bousculés commencent à nous prendre pour cible.
Mais certains le font en dépassant les limites que chacun espère voir maintenues dans un débat entre forces de gauche. Ce week-end, Manuel Valls a ainsi expliqué dans le Parisien que les déclarations de Jean-Luc Mélenchon constituaient un danger pour la démocratie ! Certes il s’agissait d’un message également envoyé à Benoit Hamon qu’il accuse de se « mélenchoniser » sur la question des retraites, mais sa diatribe est évidemment scandaleuse. Pas plus que celle de Jean-Paul Huchon, Président du Conseil régional d’Ile de France, qui a ouvert le feu fin octobre en expliquant que Jean-Luc Mélenchon était pire que Le Pen sur l’Express.fr! Ce type de déclaration est évidemment insupportable. Nous avons donc écrit officiellement à Martine Aubry pour lui demander de réagir.
Vous trouverez la lettre ci-dessous.
Madame la Première secrétaire, Chère camarade,
Le 27 octobre dernier, le site internet de l’Express citait Jean-Paul Huchon. A propos de Jean- Luc Mélenchon, votre camarade et Président de la Région Ile de France disait : « Son langage (celui de Jean-Luc) est proche de celui de l’extrême droite, mais c’est plus grave que Le Pen ! Il incarne le populisme d’extrême gauche ». France Inter a notamment, depuis, repris cette déclaration.
Si ces propos rapportés sont confirmés, vous comprendrez qu’ils nous inquiètent considérablement. Tout d’abord, dire qu’un homme condamné pour des propos négationnistes est moins dangereux qu’un républicain attaché aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité, c’est évidemment relativiser le danger que constituent les actes et idéologies du premier. L’homme, dont le parti a accueilli des personnes condamnées pour fait de collaboration, serait donc moins dangereux que le Président d’un parti dont quatre des conseillers régionaux siègent dans la majorité de Jean-Paul Huchon ? On voit bien à quelle logique aberrante peut amener de telles insultes.
En outre, ce type de déclaration ne peut qu’aggraver la confusion politique en travaillant à effacer le clivage gauche/droite. Il reprend en effet implicitement le vieux couplet des extrêmes qui se rejoignent. Il fait même pire puisque pour lui, le populisme d’extrême gauche serait plus grave que celui d’extrême droite… On a beau, comme votre parti et le nôtre, ne pas se revendiquer de l’extrême-gauche, ce genre d’amalgame nous préoccupe : il est porteur de risques de séparations irrémédiables à gauche qui ne peuvent que servir la droite et l’extrême droite.
Au passage, il répond implicitement à la question que nous posons à votre parti : au 2ème tour de toutes les élections, y compris les Présidentielles, pratiquerez-vous a minima le désistement républicain si le candidat ou la candidate de gauche arrivé en tête est issu du Parti de Gauche ? Nous attendons désormais avec d’autant plus d’impatience votre réponse que la conclusion que l’on pourrait tirer de la diatribe de Jean-Paul Huchon nous inquiète. Ne trouvez- vous pas qu’il y a de meilleures leçons d’unité contre la droite que celle-ci ?
Enfin, déjà scandaleuse par principe, ce type de phrase est encore plus confondante de bêtise au moment où la mobilisation contre la réforme des retraites nécessite de ceux qui y sont opposés, un minimum d’unité. Mais est-ce une priorité pour Jean-Paul Huchon ? Vous nous permettrez d’en douter.
Nous souhaitions donc, Madame la première secrétaire, protester vigoureusement contre ces propos insultants vis-à-vis de notre Président et donc de tous les militants et militantes de notre parti. Nous sommes certains que ni vous, ni la très grande majorité du PS, n’assumez cette déclaration. Mais nous ne pouvons la passer sous silence car ce serait légitimer la possibilité de relations de ce type entre nous et plus généralement entre des partis, responsables et militants de gauche. Il s’agirait d’une évolution catastrophique dans le débat politique de notre République. Le groupe Front de Gauche & Alternatifs, auquel nos élus appartiennent au Conseil régional d’Ile de France, a écrit à Jean-Paul Huchon pour demander soit un démenti public de ces propos (nous préférerions croire à une affabulation du journaliste), soit au moins des excuses. Nous espérons que vous appuierez cette demande fort légitime. Nous sommes donc l’attente d’une réaction officielle de votre part.
Dans cette attente, veuillez agréer, Madame la Première secrétaire, chère camarade, nos plus fraternelles salutations.
Eric Coquerel Secrétaire national en charge des relations unitaires
* Référence du site : (http://www.lexpress.fr/actualite/indiscrets/pire-que-le-pen_931678.html)