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Mar 16

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Si à 50 ans t’as pas voté UMP, c’est que t’as raté ta vie

J’ai toujours été marqué par le fait que des chanteurs rebelles dans leur jeunesse se mettent au fur et à mesure que leur âge avance à produire des chansons aseptisées et consensuelles ou, pour ne pas être trop négatif, manquant sérieusement de relief et d’énergie.

En politique, c’est pareil : de nombreux révolutionnaires semblent, sous le faix des ans et des responsabilités, oublier qu’ils voulaient changer le monde, et se contentent de l’accepter tel qu’il est, du moment que cela n’engendre aucun désagrément dans leur petite vie. Tout ce qui leur paraissait souhaitable, nécessaire et réalisable leur est devenu utopique et donc irréaliste.

Le pragmatisme, voilà le grand mot. Le révolutionnaire qui ne devient pas pragmatique, c’est-à-dire qui ne se couche pas devant les diktats du Medef et la jungle des marchés libres et non faussés, ce révolutionnaire est passéiste, inconscient, voire dangereux pour la société policée (dans tous les sens du terme).

Il faut s’y faire, tu sais, on ne peut pas tout changer ! Toi aussi, tu auras envie de ta tranquillité, de tes avantages fiscaux et du maintien de ton niveau de consommation. Tu verras !

Alors, on oublie tout ce qui faisait de nous un homme altruiste, généreux et en constante recherche du « mieux pour tous » ; on devient un défenseur d’une Europe libérale (seule solution, je te promets !) ; on accepte la remise en cause des acquis sociaux, des services publics et des libertés fondamentales (c’est l’heure de la mondialisation, mon pote, tu ne voudrais pas être le seul en retrait de ce grand pas en avant, non ?) ; on quitte son syndicat de défense des travailleurs pour la CFDT (mais si, je t’assure, ils nous défendent : la preuve, ce sont des « réformateurs ») ; on comprend qu’un patron soit payé mille fois le salaire de ses employés ; on juge nécessaire de sauver les banques qui ont investi des milliards dans des placements exclusivement spéculatifs et fondés sur la misère ; on accepte l’idée que pour sauver le capitalisme (seule voie possible) il faille non pas plus de réglementation, mais moins, c’est-à-dire plus de « réformes » ; on approuve le fait qu’on doive allonger l’âge du départ à la retraite, mais qu’on laisse tranquilles les 70 milliards d’euros de niches fiscales et les 60 milliards de fraude fiscale (il faut les comprendre, ils n’ont pas le choix, de toute façon c’est ça où ils partent à l’étranger, alors qu’est-ce que tu veux ?) ; on se renie complètement et on finit par voter UMP.

Au début, ça fait un petit quelque chose, comme une espèce de gêne au fond des souvenirs, au fin fond des principes. Mais on s’y habitue vite, et un matin on peut même se regarder dans la glace en étant convaincu qu’on a réussi sa vie.

Stéphane ARLEN

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