Luc Châtel fait déjà sa rentrée scolaire. Chapitre 1 : Comment supprimer 16 000 postes en 13 leçons ? C’est l’objet de la note que le ministre de l’éducation nationale a envoyée fin mai aux inspecteurs d’académie et aux recteurs pour les inviter à mettre en œuvre le sacro-saint principe gouvernemental du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. La méthode est désormais clairement assumée par le ministre : « Ce que fait n’importe quelle entreprise en France, nous devons le faire dans l’éducation nationale » (Talk Orange-Le Figaro, 1er juin 2010). A coup sûr ce dernier n’a pas révisé son cours sur le service public et l’intérêt général…
Cette note est aussi l’occasion pour le ministère de battre en brèche des évidences éducatives et pédagogiques comme l’efficacité de la baisse des effectifs par classe ou la nécessité d’une prise en charge spécifique de la grande difficulté scolaire. Ainsi, « l’augmentation du nombre d’élèves par division (ou groupes) fait partie des mesures destinées à optimiser l’utilisation des moyens d’enseignement sans dégrader les résultats des élèves. Il n’est pas démontré en effet que la taille des classes ait un effet probant sur la réussite des élèves ».
Dans les faits, le primaire verra se concrétiser la disparition des réseaux d’aide aux enfants en difficulté (RASED), les effectifs par classe augmenter et des regroupements scolaires s’effectuer, pouvant conduire, au nom « d’économies d’échelle », à des établissements de plus de 700 élèves ! La scolarisation des deux ans, en recul depuis plusieurs années à cause des mesures gouvernementales, devrait encore se réduire pour le plus grand bonheur des jardins d’éveil…privés !
Dans le secondaire, augmentation des effectifs et regroupement d’établissements sont également au programme, comme la chasse aux décharges horaires des enseignants. Ces mesures s’intègrent d’ailleurs parfaitement dans le cadre de la réforme du lycée en préconisant une « rationalisation de l’offre scolaire ». Mieux vaudra donc encore une fois être né au bon endroit pour bénéficier du choix le plus large…
Enfin, tout en organisant la pénurie d’enseignants, le ministère en appelle à l’emploi de vacataires pour assurer les remplacements. L’autonomie tant voulue par les libéraux va désormais prendre tout son sens…
Si l’école se gérait effectivement comme une entreprise, les citoyens actionnaires, soucieux de l’intérêt général, auraient tôt fait de pousser vers la sortie ce ministre qui démantèle le service public d’éducation.
François COCQ, Juin 2010